Au fil des histoires 1/2 Des bouts de langues
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Description
durée : 00:34:00 - Talmudiques - par : Marc-Alain Ouaknin - . "Dimanche dernier je prenais le train pour Paris dans une petite gare de province. * Dans la salle d'attente il y avait une petite machine que j'avais déjà vue dans d'autres endroits publics mais dont je n'avais pas encore testé l'usage.  Pas une machine pour prendre un ticket pour faire la queue à tel ou tel guichet. Pas une machine à café, à chips ou à bonbons, ou quelque chose de comparable. Pas non plus une machines pour obtenir des étiquettes à apposer sur ses bagages. Non ! Rien de tout cela. C'était une machine à distribuer des histoires.  Choisissez d'appuyer sur l'un des trois boutons et l'appareil vous offre sous forme de rouleau, des contes, des poèmes et des nouvelles - à lire d'un trait - en une, trois ou cinq minutes. Je tentais ma chance. Un conte à lire en une minute. C'était parfait pour commencer. L'histoire était très prenante et bien écrite.  Je m'en offris une seconde puis une troisième et c'est comme cela que j'ai raté mon train ! Si je rapporte cette anecdote, c'est parce qu'elle m'a rappelé à quel point les êtres humains en général sont fascinés par les histoires et plus encore ont un besoin d'histoire. Et cela depuis la nuit des temps, de jour en jour, de nuit en nuit, de l'enfance à l'adolescence, de l'adolescence à l'âge adulte.  J'aime me souvenir de ce passage du livre de la création, le séfer yetsira, que je cite souvent : «  Le monde à été cré par le livre, les nombres et les histoires. »  Certaines personnes savent non seulement les raconter mais les écrire. Ce sont les écrivains. Des êtres particuliers qui sentent le monde et les humains avec une acuité et une sensibilité particulière. Qui savent rendre vivant des lieux, des situations, des sentiments, ceux des autres mais aussi les leurs.  Ils racontent, se racontent. Dans ce cas là leurs souvenirs sont leurs meilleurs compagnons.  Mais il n'est pas facile de se souvenir. La boîte à souvenirs n'est justement pas une machine où l'on peut appuyer sur un bouton.  La boîte à souvenir est comme un petit animal qu'il faut apprivoiser, et cela demande de la patience et du temps. Un temps qu'il n'est pas toujours possible de prendre ou que l'on se sait pas ou plus prendre, car très souvent c'est nous qui sommes pris par le temps. Alors les souvenirs attendent et patientent mais je ne crois pas me tromper en disant aussi qu'ils s'impatientent.  Alors un jour ils décident de ne plus rester dans la boîte et ils viennent vous chercher, vous tirer par la manche et vous mettent un crayon dans la main et vous commencer à écrire. Et vous découvrez que s'il n'est pas facile d'écrire, c'est cependant un exercice joyeux et jubilatoire, magique en quelque sorte.  Et vous pensez à Proust qui décrit « ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables ». Et en lisant certains livres on sait que les souvenirs sont heureux d'avoir pu sortir de leur boîte parce que ce que l'on ressent en les découvrant c'est une véritable joie, une danse de l'esprit, et aussi du temps, farandole du présent qui donne la main au passé, celui de l'écrivain mais aussi le nôtre, comme si par enchantement en ouvrant la porte de ses souvenirs c'est un peu la porte des nôtres que l'écrivain entre'ouvrait aussi." [M-A. O]  L'invité Médecin, pédiatre de formation psychanalytique, Aldo Naouri est l'auteur d'une ouvre très importante. Doué d'un formidable talent de conteur, ses ouvrages sont éclairés par des récits de cas qui donne à la théorie qu'il offre une saveur inégalable.