Description
Trônant, depuis trois décennies à la tête de la Confédération africaine de football (CAF), ce Camerounais a si peu songé à la relève qu’il brigue à nouveau sa propre succession. Avec le risque d’une sortie humiliante.
Magali Lagrange : La semaine qui s’annonce pourrait être décisive, dans l’histoire du football africain. Puisque les présidents de fédérations nationales se réunissent à Addis-Abeba pour élire le président de la Confédération africaine de football (CAF). Et, pour la première fois depuis trente ans, un semblant de suspens semble entourer l’élection à la tête du football africain... Comment expliquer cela ?
Jean-Baptiste Placca : Peut-être faut-il rappeler que la Confédération africaine de football (CAF) existait depuis déjà trente ans, lorsque l’actuel titulaire du poste en est devenu président. Et durant ces trente premières années, la CAF avait connu… six présidents. Mais, depuis trente ans, elle est présidée par le même homme, ce qui est déjà une anomalie. A cette anomalie s’ajoute une autre, sous la forme d’une nouvelle candidature… du même homme !
Sans vouloir faire concurrence à Rémy Ngono, excellent analyste du football africain et européen, et qui s’est, par ailleurs, souvent révélé être une encyclopédie vivante de la sagesse africaine, rythmant ses analyses par de pertinents proverbes africains, l’on a envie de servir à Issa Hayatou ce proverbe qui dit que lorsque vous vous installez sous un arbre, à profiter indéfiniment de son ombre et de ses fruits, et que vous vous obstinez à ne jamais céder la place, les oiseaux finissent par déverser leur fiente sur votre crâne. Trente ans, c’est non seulement trop, mais cela n’est pas sain ! Vraiment !
Issa Hayatou a peut-être encore des choses à proposer…
D’autres peuvent s’en charger ! Et son attitude passée vis-à-vis de ceux qui ont tenté de lorgner sur son siège ou de contester son autorité, laisse craindre qu’il ait, comme certains dirigeants politiques africains, envie… de mourir au pouvoir. Et d’ailleurs, le programme du seul candidat qui ose l’affronter, cette fois-ci, est une critique, en creux, de tout ce qui était détestable dans l’interminable gestion de Monsieur Hayatou. Le Malgache Ahmad Ahmad, ancien footballeur, a même été entraîneur, puis ministre, et il fait preuve d’une modestie que l’on aimerait tant voir à l’œuvre à la tête de la CAF.
Son nom a été cité dans le fameux « QatarGate », mais sans suite.
Oui. Et, à la différence d’autres éminents responsables du football africain régulièrement cités, par le passé, dans des scandales, à la Fifa ou au CIO, il n’a pas réfuté avec dédain les accusations. Et il admet avoir, en effet, demandé l’assistance du Qatar pour les élections dans sa Fédération. Parce que la pauvreté contraint des fédérations comme la sienne à demander de l’aide. « Il n’y a pas de honte à cela », dit-il. Aide qu’il n’a pas reçue, parce que, entre-temps, la Fifa la lui avait apportée, en dotation extrabudgétaire. Voilà pourquoi il a été blanchi sans avoir eu à se défendre. Cet homme, par sa simplicité, rompt avec la morgue de certaines gens qui, du haut du pouvoir que leur confère l’argent du football continental, méprisent et écrasent tout ce qui leur résiste, tous ceux qui les défient.
Il n’empêche que ce candidat d’un petit pays est poussé par de grands…
Oui, et Ahmad Ahmad ne le nie pas. Amaju Melvin Pinnick, le président de la Fédération du grand Nigeria est de ceux qui peuvent oser le soutenir ouvertement. Cela est sain. Le candidat en est à son troisième mandat, et il promet que ce sera le dernier, quelle que soit l’issue de l’élection à la présidence de la Caf. Parce que, de son point de vue