Jérôme Colin et Miguel Allo traversent les États-Unis d’Est en Ouest. De New York à Los Angeles. Une quinzaine d’états à parcourir pour prendre la température de ce pays plus divisé que jamais. Musique, littérature, road trip semé de rencontres, ils rendront compte chaque jour en radio et sur le web de l’ambiance américaine à quelques jours seulement du scrutin du 5 novembre 2024. Chaque état traversé sera l’occasion pour eux de pointer un grand roman américain se déroulant dans la région. Cinquième étape : Le Mississippi : « Les Aventures de Huckleberry Finn » de Mark Twain. Huckleberry Finn, c’est l’enfant sauvage abandonné, qui vit dans un tonneau, qui ne va pas à l’école, qui n’aime pas les prières, ni habiter dans une maison ou porter de beaux vêtements. C’est le contraire de Tom Sawyer qui est un enfant domestiqué. Huckleberry Finn, lui, incarne la liberté. Même si elle a un prix. Entrons dans ce roman qui se déroule aux environs de 1850 dans cet état du sud, ségrégationniste, quelques années avant la guerre de Sécession. Livre dans lequel Huck, jeune garçon de 13 ou 14 ans va descendre le Mississipi sur 1200 kilomètres accompagné d’un esclave échappé. Le début du livre est une espèce de suite assez enfantine des aventures de Tom Sawyer. A la fin du premier livre, Tom et Huck trouvaient douze mille dollars. Une sacrée somme. Son père ayant disparu depuis plus d’un an, Huck est adopté par la veuve Douglas qui entreprend de le civiliser. Mais il n’aime pas les conventions qui lui sont imposées. Après un certain temps, parce qu’il a entendu que son fils avait trouvé de l’argent, le père se repointe et tente de reprendre Huck sous son aile. Il l’emmène dans une cabane dans les bois. Une vie dans la nature que Huck adore sauf que son père est d’une extrême violence. Il va donc s’échapper et prendre un radeau sur le Mississipi. Après quelques jours de navigation, il arrive sur une petite ile. Et réalise qu’il n’y est pas seul. Un esclave en fuite s'y cache : le vieux Jim. Huck promet de ne pas le dénoncer. L’esclave étant recherché, les deux compères vont embarquer à nouveau sur le fleuve pour tenter de rejoindre les états abolitionnistes du nord. C’est ici que le regard de Huck va changer. Jim cesse d’être un esclave pour devenir un ami. Le livre bifurque alors dans quelque chose de bien plus profond pour devenir une critique de la société sudiste du milieu du 19ème siècle. En réalité, Huckleberry Finn va, dans cette seconde partie, remettre en question toutes les valeurs qu’on lui a inculquées. Il va souvent être tenté, parce que c’est ce qu’on lui a appris, de dénoncer Jim et le faire capturer. On va donc assister au combat moral de ce jeune garçon pour prendre la décision la plus juste. Faire ce que la société attend de nous ? Ou écouter son cœur ? Évidemment, il finira par écouter sa voix intérieure. C’est ce qui fait de lui un héros de la littérature du 19ème siècle. Pourquoi il faut relire Huckleberry Finn pour comprendre les États du sud encore aujourd’hui ? Car il expose à merveille les stigmates de l’esclavage et de la ségrégation raciale à venir. On peut rappeler qu’en 1963 (il y a seulement 60 ans) a eu lieu dans cet état l’assassinat de Medgar Evers, un militant anti ségrégationniste par un suprémaciste blanc du Ku Klux Klan. Bob Dylan en a fait une sublime chanson : Only a pawn in their game. Et puis, Huck, c’est la liberté et le collectif, loin, très loin de l’individualisme qui gangrène nos sociétés actuelles. Enfin, c’est une critique des structures sociales oppressives comme la famille ou la religion. Et ça ne fait jamais de mal. Merci pour votre écoute Entrez sans Frapper c'est également en direct tous les jours de la semaine de 16h à 17h30 sur www.rtbf.be/lapremiere Retrouvez l'ensemble des épisodes et les émission en version