Description
Par Younés Bouchoukh, étudiant de ECG1 du lycée François 1er avec la collaboration de Didier Guilliomet
Dans l'opinion commune, la solitude est une situation considérée comme déprimante, voire dégradante. Les grecs anciens, par exemple, considéraient l’ostracisme – le fait de chasser un citoyen de sa cité et donc de le séparer de sa communauté, comme une punition très sévère. Encore maintenant, ostraciser une personne – c’est-à-dire l’isoler volontairement dans une société – est vécue comme une action agressive moralement et psychologiquement. Une chose est certaine, le sentiment plus ou moins accablant qui découle du fait d’être coupé de sa communauté, peut nous perturber profondément dans nos relations avec autrui. Elle peut nous conduire à mal interpréter les regards, paroles et comportements des autres. Bref le sentiment de solitude s’accompagne souvent d’une sorte de paranoïa. Cercle vicieux car en devenant méfiant, on s’éloigne des autres de plus en plus, et on renforce ce sentiment de solitude. De fait, se sentir seul provoque souvent une situation désagréable de blocage existentiel. Ne pas pouvoir s’en remettre et se confier à autrui et affronter les difficultés de la vie, seul, au quotidien, est chose difficile. Aristote soulignait que l’homme est un animal social. L’insertion dans le collectif a toujours été une constante de l’humanité. C’est, d’ailleurs, un des paradoxes de notre monde, qui est de plus en plus connecté, qu’une quantité non négligeable de personnes déclarent se sentir seules. Aux États-Unis, le Loneliness Index révèle que 58% de la population s’est sentie seule en 2021. La sociologue Irène Théry, constatant le nombre croissant de personnes qui vivent seules au sein de nos sociétés où l’on valorise la liberté individuelle et la vie privée, écrit dans son livre Le démariage: « vie privée, oui … mais de quoi ? » La question reste posée. On le voit, la solitude est souvent vue négativement. Mais est-il exact de dire qu’elle est une réalité forcément mauvaise ? L’enjeu de cette émission sera justement de présenter la solitude sous ses différentes facettes et d’essayer de saisir, sans en rester aux idées reçues, ce qu’elle est vraiment.Solitude et sentiment de solitudePour avancer dans notre analyse, faire la distinction entre la solitude et le sentiment de solitude, toujours plus ou moins accablant et dépressif, est indispensable.La solitude est en effet, une situation qui possède des aspects clairement bénéfiques. En effet, elle peut constituer une bonne occasion de se retrouver avec soi-même, voire de se trouver tout court. Se déconnecter des autres, prendre du temps pour soi peut-être aussi dans certaines circonstances un remède pour se reconstruire, pour reprendre confiance en soi en se confrontant à soi-même. La solitude est nécessaire pour retrouver la tranquillité dans l’intimité. Les prisons surchargées ajoutent la terrible épreuve de la promiscuité à la privation de liberté de mouvement pour les condamnés qui se retrouvent à plusieurs dans une même cellule. Disons-le : parfois on est très entouré mais on se sent mal, la présence des autres nous pèse : on ne rêve alors que d’une chose : se retirer, seul avec soi-même pour arriver à une paix intérieure. Le sentiment de solitude n’est donc pas nécessairement le fait d’être physiquement séparé des autres. C’est plutôt une expérience subjective plus ou moins négative, où l’individu se sent « mal dans sa peau », comme en un pays étranger et hostile où il n’a pas sa place, même quand il est entouré d’autres personnes qui lui sont familières, que ce soit sa famille, ses amis, ses collègues. On parle par exemple d’un « moment de solitude » quand on fait une gaffe et qu’on se trouve ainsi la risée d’un groupe. Mais ce sentiment d’isolement peut