Podcast / Ludo Incognito #08 : Le jeu est politique (Mathieu Triclot – Philosophie des jeux vidéo)
Description
Neuvième épisode de ma chronique podcast des écrits autour du jeu de société paru initialement dans l’épisode 97 du podcast Proxi-jeux.
En 2011, Mathieu Triclot, universitaire français, publie Philosophie des jeux vidéo. Ouvrage de référence qui replace l’expérience au centre de l’étude des jeux vidéo et qui propose une lecture philosophique et politique de cette pratique.
Couverture du livre : Philosophie des jeux vidéo (Mathieu Triclot, 2011)
La transcription intégrale de l’épisode :
Je continue à petits pas mes pérégrinations au sein de Luda Incognita. Hier, j’ai découvert un nouveau paysage, fait de milliards de petits carrés. Les autochtones les appellent « pixels ». Je parviens à échanger avec eux mais uniquement par écran interposé. Je suis tombé visiblement en plein territoire du jeu vidéo.
Mathieu Triclot est une figure notoire de la recherche et de l’enseignement français autour du jeu vidéo. Il publie en 2011 son ouvrage phare : Philosophie des jeux vidéo.
Dans ce livre Mathieu Triclot revendique une lecture différente de l’étude classique des jeux. La majorité des chercheurs se concentre en effet sur l’étude du jeu en tant qu’objet. Lui appelle une analyse des expériences vécues par les joueuses (dans les pas de Jacques Henriot, déjà croisé par ici) et une lecture philosophique et politique de la pratique du jeu vidéo.
Le jeu vidéo est une pratique aujourd’hui très répandue, dotée d’une histoire riche, de codes et de conventions. Objet de consommation de masse le jeu interfère forcément avec la vie de la société, la « politique » au sens propre.
D’après Mathieu Triclot le jeu vidéo est ainsi politique à trois niveaux. D’abord bien sûr par les thématiques qu’il aborde : la vision géopolitique simpliste et militariste d’un Call of Duty par exemple. Ensuite par les mécanismes qu’il met en œuvre : consommation encouragée d’un Sims, compétition d’un jeu de course, micro-société en construction d’un jeu massivement multijoueur.
Mais en dehors de ce que je le jeu contient, Triclot étudie aussi la portée politique de la pratique elle-même. Qu’est-ce que le jeu vidéo fait de la joueuse et quelle interprétation en extraire ? Le jeu vidéo en effet utilise la technologie, le code informatique et les écrans, qui sont avant tout les outils de travail et de contrôle de notre société. Par leurs algorithmes, les jeux vidéo sont le reflet de la mise en nombres du monde, d’un pouvoir obtenu par le contrôle sur les données. Il y a d’ailleurs à première vue peu similitude entre certaines interfaces ludiques et les applications de suivi ou de surveillance ou de travail. Les jeux vidéo s’inscrivent aussi dans une logique d’omniprésence des écrans et des technologies de l’information. Ils donnent le sentiment d’une omnipotence de la joueuse, en apparence obéie au doigt et à l’œil mais qui se plie en réalité aux règles de la machine. Ils sont enfin des marchandises-expériences, vendues pour être vécues, objet de consommation presque idéal du capitalisme moderne.
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