CANNES JOUR 6 : Hard corps
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Description
Au bout de dix jours de festival, le moindre accrédité a le sentiment d'avoir pris dix ans dans la vue, vit dans un état second, sous perfusion non-stop de café qui a fini par remplacer le sang dans les veines. Soit en parfait accord avec des films tournant autour du rapport à la mort ou au vieillissement. Dans The substance, une ancienne star de cinéma reconvertie en animatrice d'émission d'aérobic le refuse tellement qu'elle accepte la proposition d'une mystérieuse société qui lui fournit un clone rajeuni. Seule condition express, les deux versions doivent alterner leurs semaines de vie, et si l'une ne respecte pas la règle, l'autre se met à décrépir. Coralie Fargeat revisite donc Le portrait de Dorian Gray pour une mise à jour à l'heure d'un retour à l'obsession pour la célébrité et son endoctrinement des corps. L'idée est d'autant plus sensée que la réalisatrice a convoqué Demi Moore et Margaret Qualley, soit une actrice mise au placard et une valeur montante, en alter egos. Fargeat a eu l'intelligence de mettre de côté la charge contre les hommes (même relativement – il y a dans cette histoire un producteur de télécompilant tous les usages des prédateurs, qui, plus est, est nommé Harvey, comme un certain...Weinstein) pour se concentrer sur son pacte faustien, virant au mégacrêpage de chignon. Il reste dommage que The Substance se maquille comme un camion volé à coup d'effets tapent-à-l’œil où qu'il s'embarque dans un gorissime final grand-guignol, certes amusant, mais digressif. Toutefois, la rogne maintenue jusqu'au bout confirme que, même en se laissant aller au potache, les réalisatrices qui s'emparent du cinéma fantastique ne sont plus là pour jouer les potiches. On savait à l'inverse, depuis quelques films, que David Cronenberg avait mis de côté l'horreur graphique pour se concentrer sur celle plus intime. Sans pour autant renoncer à des concepts dérangeants. Les Linceuls invente une technologie permettant de rester en lien permanent avec les morts. Difficile de ne pas faire le lien entre un veuf qui refuse de faire son deuil et un réalisateur qui a lui-même perdu sa femme. Encore moins quand Vincent Cassel s'est fait la tête de Cronenberg jusqu'à la coupe de cheveux. Ce parallèle rend Les linceuls poignant, quand il est pétri de l'impossibilité d'adieux. Cette matière émotionnelle rabiboche avec un cinéaste dont les derniers opus devenaient de plus en plus stériles. Un réchauffement de maigre durée, Les linceuls se drapant dans une intrigue complotiste aussi fumeuse qu'abstraite, qui étouffe des théories passionnantes sur la subsistance des êtres face aux capacités des images virtuelles. Vincent Cassel et Diane Kruger offrent encore un peu de chair, mais les vraies larmes sont celles que l'on verse sur un Cronenberg qui embaume son inconsolable chagrin dans le suaire d'une trop grande rigidité. Pendant le Festival de Cannes, retrouvez tous les jours la chronique Pop Corn d’Alex Masson, notre envoyé à la croisette, à 7h37 dans « T’as vu l’heure ? », la matinale de Radio Nova.
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