Le Lanzelet d'Ulrich von Zatzikhoven et la Tradition Allemande (Rex Quondam Rexque Futurus #31)
Description
Antoine et Lays se sont surtout concentrés sur les oeuvres françaises, mais la légende arthurienne a très vite été traduite dans d'autres langues, et dans cet épisode, enregistré à distance de par les circonstances, on discute un peu plus des productions d'Outre-Rhin.
Après quelques mots sur Hartmann von Aue, qui avec ses Erec et Iwein fut le premier à y adapter les oeuvres de Chrétien de Troyes (RQRF #5-7) avant même le Parzival de Wolfram von Eschenbach (RQRF #20), ils discutent de Wigalois ou le Chevalier à la Roue de Wirnt de Grafenberg, une oeuvre qui commence très proche du Bel Inconnu de Renaud de Beaujeu (RQRF #23), car Wigalois naît de l'union de Gauvain avec une fée.
Le gros morceau de cet épisode sera cependant le Lanzelet de Ulrich von Zatzikhoven, datant du début du treizième siècle, particulièrement intéressant car il nous présente un portrait de Lancelot très différent de celui de Chrétien de Troyes (RQRF #6). Par exemple, il se marie quatre fois (!) sans que sa femme précédente soit ensuite divorcée ou même mentionnée, jusqu'à ce qu'il finisse avec la belle Iblis. D'ailleurs, Guenièvre est bien enlevée dans ce roman, une tradition qu'on trouvait déjà dans d'anciennes vies de saints, mais Lanzelet n'est pas dans une relation amoureuse avec elle, et ne participe pas tant à sa rescousse. Par ailleurs, on y retrouve déjà le début du Lancelot en Prose (RQRF #15) qui n'était pas chez Chrétien : le royaume du père de Lanzelet est ravagé par une révolte de ses barons, et l'enfant est recueilli par une fée sous-marine. Tout cela laisse penser qu'on a là une trace de la tradition originelle de l'histoire de Lancelot, qui a pu influencer aussi bien les cycles en prose qu'Ulrich, mais que Chrétien aurait laissé de côté pour raconter son histoire d'amour courtois.
Comme le souligne Danielle Buschinger, on remarque cependant que ce roman tient tout du "patchwork", une "recréation" post-classique, qui enchaîne des motifs connus sans toujours leur donner le poids requis : un test de vertu grâce à un manteau qui change de forme (comme dans le Lai du Mantel, #RQRF 25) ; une femme changée en dragon et qui doit être libérée par un baiser (comme dans le Bel Inconnu) … Dans ces péripéties colorées, Lanzelet "ne traverse jamais de crise", les épreuves l'effleurent sans le bousculer. Mais le merveilleux allemand y prend aussi une saveur différente, le roman invoque la magie avec un peu moins de timidité : Arthur ira ainsi demander son aide à l'enchanteur Malduc pour récupérer Guenièvre, et quand en échange il aura fait Erec et Gauvain (ou Walwein) prisonniers, on s'aidera d'Esealt le Long, un géant qui grandit d'un empan tous les mois, pour assaillir le château du sorcier. Loin du cœur contrarié du Lancelot français, l'adultère par excellence, déchiré par son amour pour sa reine, ce Lanzelet nous montre cependant une autre tradition, une variation intéressante, aidé en ça par un vrai goût pour la féerie.
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