Description
Concilier la puissance de la Tech et l’intérêt général est possible selon Stéphane Schultz. Dans son livre Après la Tech, le consultant et auteur propose de se servir de l’énorme levier de changement démontré par les acteurs de la technologie ces trente dernières années, dans un but positif. Pour lui, l’effondrement probable de la Tech dans les prochaines années est une bonne chose, et permettra d’envisager de véritables solutions aux défis environnementaux et sociétaux auxquels nous faisons face. Il s’agit d’un changement de mentalité total et non d’une vision simpliste et technosolutionniste qui selon lui est vouée à l’échec. Pour analyser ce livre riche et fondamental, j’ai interviewé l’auteur il y a quelques semaines.
Tech et intérêt général : utiliser le potentiel d’innovation de la technologie pour faire le bien commun
Pouvez-vous décrire cette capacité d’innovation apportée par la Tech ?
Stéphane Schultz. Dans ce livre, j’ai tenté d’analyser les particularités des modèles de la Tech en les remettant dans une perspective historique. Pour cela, je remonte à Gutenberg et à l’invention de l’imprimerie pour expliquer les trois piliers fondamentaux de la Tech.
* Le premier est le design centré utilisateur. C’est la capacité à partir des véritables problèmes de l’utilisateur pour remonter vers la solution technique, et non l’inverse. La Tech a développé cela de manière intense, allant parfois jusqu’au design d’influence.
* Le deuxième pilier de la Tech est celui de la disruption, que je définis comme un usage radical de technologies existantes. L’exemple de Gutenberg est parlant : il a combiné des caractères mobiles inventés 500 ans plus tôt avec une presse à vin, n’inventant réellement que l’encre. La Tech fait de même aujourd’hui avec l’usage de l’excédent de capacité. Airbnb permet de louer un stock de logements vides existant, Uber ou Blablacar de louer des stocks de voitures, etc.
* Le troisième élément est la capacité de passage à l’échelle. C’est la faculté d’innover localement tout en pensant au plan mondial, de créer des solutions qui s’appuient sur des standards et qui s’autoaméliorent avec l’effet réseau.
Parlez-nous de cet infopreneur qui s’appelle Pieter Levels.
SS. Je me suis dit qu’il fallait trouver quelqu’un qui a véritablement utilisé Internet comme un pure player, qui a réussi sans être une grande entreprise. Levels est resté fidèle à l’esprit fondateur d’Internet : « l’empowerment » des individus, cette « bicyclette pour l’esprit » dont parlait Steve Jobs.
Levels est presque devenu un symbole. C’est un développeur de niveau moyen qui utilise le même équipement que nous tous. Sa force réside dans sa créativité et surtout dans sa capacité à appliquer rigoureusement une méthodologie.
Il l’applique de manière radicale : il a créé environ 70 sites différents, lance ses idées rapidement. Même si seuls cinq de ces sites ont vraiment fonctionné, Levels génère plusieurs millions de dollars par an tout en maintenant un style de vie équilibré.
Certains diront que c’est l’exception qui confirme la règle, car il y en a peu comme lui. Mais il incarne parfaitement ce modèle que je ne voulais pas limiter aux géants comme Amazon, Google ou Apple.
Une erreur commune consiste à tenter d’expliquer la transformation numérique à travers ces géants auxquels personne ne peut s’identifier. Avec Levels, on peut s’identifier,