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« Dirigeants africains, faites preuve d’intelligence, s’il vous plaît ! La place Tahrir peut se produire dans votre pays, et va se produire ! ». Cette supplique n’émane pas d’un dangereux agitateur en mal de révolution, mais d’un homme raisonnable, qui a suffisamment réussi sa vie pour consacrer une partie de sa fortune à la promotion de l’exemplarité au pouvoir, en Afrique. A l’occasion de l’attribution, cette semaine, du prix pour le leadership d’excellence en Afrique, le Soudanais Mo Ibrahim a lancé un véritable cri du cœur, comme un appel à la fin de toutes les présidences à vie qui ne disent pas leur nom. Durant les deux dernières années, le jury de ce prix qu’il a créé n’a pu trouver de récipiendaire. Car ils ne sont pas légion, les chefs d’Etat qui quittent le pouvoir dans la dignité et le respect des institutions, et peuvent se prévaloir d’avoir réellement fait progresser leur pays.
Le lauréat, cette année, est le Capverdien Pedro Pires, récompensé pour avoir « transformé son pays en un modèle de démocratie, de stabilité et de développement ». Le Cap-Vert est, en effet, un des deux seuls pays africains à s’être extirpés, ces vingt dernières années, du tristement célèbre « club des lépreux », entendez : les pays les moins avancés. C’est aussi, depuis 1991, et au sens plein du terme, une démocratie, où le mot alternance ne rime pas avec violence.
Ecoutez donc Pedro Pires parler de lui, du Cap-Vert, de l’Afrique : « J’ai fait de mon mieux pour que le pays marche et que les institutions se consolident. Et, en y réfléchissant un peu, je crois que ce qui nous manque, en Afrique, c’est le respect de la loi fondamentale, le respect de la Constitution. Nous, dirigeants africains, devons faire participer la société au processus de développement, de renforcement et de consolidation de la culture institutionnelle ». Tout est dit !
Le Prix Mo Ibrahim est le mieux doté au monde, et dépasse largement ce que peut être la retraite (honnête) d’un ancien chef dans la plupart des pays africains. Le milliardaire soudanais croyait ainsi inciter les dirigeants du continent à mieux diriger et à ne pas s’éterniser au pouvoir.
Au Cap-Vert, le PIB par habitant est de 3 193 dollars. L’espérance de vie est de 70 ans, le taux d’alphabétisation : 84% ! Et le taux de scolarisation des enfants, au niveau du primaire, frôle les 100% ! Comparez donc ces chiffres avec ceux des pays dont les dirigeants s’accrochent au pouvoir, en prétendant que c’est pour le bonheur de leur peuple ! Comparez, et vous comprendrez pourquoi Mo Ibrahim leur prédit des « places Tahrir » !