Description
Si près de l’échéance présidentielle, combien de Congolais sauraient dire précisément quels projets de société proposent les principaux candidats ? C’est un bien triste destin que celui de ce peuple, assis sur les plus recherchées des richesses naturelles, mais que les politiques contraignent constamment à se satisfaire du plus avilissant des dénuements. Congo Léopoldville, Congo Kinshasa, Zaïre… aucun pays au monde n’a autant changé de nom que la République démocratique du Congo. Mais les dons du ciel, ici, demeurent en permanence une malédiction pour le plus grand nombre, à la différence de la classe politique, qui se recycle et se relaie au pouvoir depuis un bon demi-siècle.
Mobutu Sese Seko a fait la mauvaise réputation de son pays et de l’Afrique autant par la dureté de son régime que par cette avidité qui lui a valu le surnom de « coffre-fort ambulant ». Et pour que nul ne vienne lui demander d’inviter son peuple au festin du sous-sol, il avait décrété un slogan national qui ne s’invente pas : « Tout Zaïrois doit savoir se débrouiller ! ». Les avidités et l’esprit courtisan ont fait le reste.
Les Congolais n’ont pas encore voté, mais déjà, ils comptent les blessés et les morts d’une campagne électorale qui donne l’angoissante impression d’un échauffement, en attendant le pire. Car ce qui est en jeu – le contrôle des leviers de la prédation – est, pour certains politiques, une question de vie ou de mort. Ainsi, les cris de haine en viennent à tenir lieu de slogans politiques, et les militants se proclament combattants.
Mais quel degré faudrait-il donc atteindre dans la gradation de la violence, pour que des voix africaines, fermes et crédibles, se mêlent enfin de ce qui les regarde ? L’Afrique ne peut feindre l’indifférence, avec une telle tension dans un pays qui partage ses frontières avec pas moins de neuf autres Etats du continent.
Il faut absolument garantir au peuple congolais un scrutin au-dessus de tout soupçon, pour lui épargner d’inutiles souffrances. Seulement, voilà : aux suspicions de l’opposition comme aux alertes de la société civile, et même du très sérieux Centre Carter, le président de la Commission électorale a systématiquement opposé un aplomb presque dédaigneux, même là où l’on aurait pu attendre de lui une humilité à la hauteur des insuffisances constatées ou redoutées. L’Histoire, il est vrai, ne retient pas le nom des présidents de commissions électorales.