Description
Si son objectif avait été de discréditer la démocratie dans son pays, alors, Winston Tubman y sera parvenu, au-delà de toutes ses espérances ! L’emporter avec plus de 90% des voix est la pire des victoires dont pouvait rêver Ellen Johnson-Sirleaf, pour entamer un second mandat à la tête du Liberia. Tel un péché originel, ce score porte un petit discrédit, qu’il va falloir faire oublier, d’autant que la présidente a désormais aussi l’éclat d’un Prix Nobel de la paix à préserver. C’est d’ailleurs ce Nobel qui rend la situation malaisée et quelque peu gênante. La pertinence de cette distinction, attribuée pratiquement la veille du premier tour de la présidentielle, a été source de bien des questionnements. La longue lutte politique de cette économiste mérite révérence, assurément. Et son action à la tête de ce pays encore convalescent (d’une longue guerre civile) inspire, sans conteste, un profond respect. Mais ce prix Nobel tombait mal, en tombant juste au moment où Ellen Johnson-Sirleaf devait faire la preuve de son réel apport à la consolidation de la démocratie qui l’a portée au pouvoir.
Peut-être y avait-il malice dans la décision de boycott, prise par son challenger, quatre jours avant le second tour de la présidentielle. Mais le fait, pour la sortante, de n’avoir pas su dissiper les inquiétudes de l’opposant sur les risques de fraude, est une responsabilité qu’elle ne peut rejeter sur d’autres.
Tant de « démocrates », parvenus au pouvoir à la faveur d’un processus irréprochable, ont succombé, sur ce continent, à la tentation de la confiscation du pouvoir ! L’on n’est pas un champion de la démocratie, simplement parce que l’on s’est battu contre une dictature, en étant dans l’opposition. Est-ce bien utile de rappeler, ici, le décevant usage que tel ou tel ancien opposant a pu faire (ou fait) du pouvoir conquis dans les urnes ?
Au-delà du Liberia, ce qui est en cause, c’est la promptitude de certains, notamment en Occident, à décerner à des dirigeants africains des satisfecit qu’il leur faut encore mériter. Comme si la préoccupation de distinguer des Africains était plus importante que le fait de trouver des Africains réellement méritants.
L’Afrique – et notamment certaines de ses élites – s'extasie déjà assez complaisamment devant des exploits qui n'en sont pas. Le pire service à rendre à ce continent serait d’encourager, par de trop généreuses distinctions ou des éloges prématurés, la culture de la médiocrité qui guette jusqu’au plus haut sommet de certains Etats.