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A trois jours près, il aurait pu faire coïncider sa prestation de serment avec le vingt-neuvième anniversaire de son arrivée au pouvoir. Demain, dimanche, Paul Biya se remémorera sans doute ce 6 novembre 1982, où il est devenu chef de l’Etat camerounais. Deux jours plus tôt, le président Ahmadou Ahidjo, dont il était le Premier ministre depuis déjà sept ans, avait pris le monde de court, en démissionnant, à 58 ans, après un peu plus de deux décennies aux affaires. Durant les treize années qui ont précédé sa nomination comme Premier ministre, Paul Biya avait été tour à tour chargé de mission puis secrétaire général de la Présidence. Au total, il aura passé quarante-neuf de ses soixante dix-huit ans d’âge dans les hautes sphères du pouvoir. Une belle carrière ! Et ce n’est pas fini !
Mais, en cette période mouvante pour les pouvoirs qui semblent sans fin, et pour que personne ne se hasarde à le suspecter de s’imposer à son peuple en reprenant un bail de sept ans à la tête d’un pays qu’il dirige depuis déjà si longtemps, le président Biya a tenu à préciser qu’il tient sa légitimité du « peuple souverain ».
« L’heure est à l’action ! », a-t-il par ailleurs décrété, dans son discours d’investiture. Il en faudra, pour rassurer ceux qui pensent que le Cameroun se laisse trop bercer par un indolent confort, au lieu d’être la locomotive sous-régionale qu’il aurait dû être. Au lieu de jouer, en Afrique, le rôle qui aurait dû être le sien. Mais Paul Biya a dit : « action », pas « miracles » !
Il faudra donc, aux Camerounais, tempérer leurs espoirs, d’autant que le président semble assez satisfait de la démocratie dans son pays. Tout juste concède-t-il « quelques réglages » à faire au niveau de l’organe électoral. On est loin, très loin des nombreuses irrégularités relevées par les chancelleries, et dénoncées par les opposants.
Hélas ! Le message des leaders de l’opposition est aussi passablement brouillé. En chœur, ils ont rejeté d’avance les résultats de la présidentielle, alors qu’ils n’ont pas été capables de s’entendre sur une candidature qui fasse poids, face à Paul Biya. Ensuite, John Fru Ndi, l’opposant en chef, a pris acte des résultats proclamés, en souhaitant que les échéances législatives soient mieux organisées, comme s’il admettait la défaite, tout en refusant de se l’avouer.
A cette opposition objectivement accommodante, il faut ajouter les opposants d’hier, ralliés, devenus les thuriféraires les plus zélés du président, et qui s’évertuent à faire croire à leurs concitoyens que le Cameroun n’a pas fini d’avoir besoin de Paul Biya.