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Le Nigeria, ces dernières années, était devenu inaudible dans la sous-région et sur l’échiquier continental. L’élection de Muhammadu Buhari a suscité beaucoup d’espoir chez ses concitoyens. Il s’agit, pour le nouveau président, d’être simplement à la hauteur de l’Histoire.
Antony Lattier : Goodluck Jonathan a transmis, hier vendredi, la charge présidentielle à Muhammadu Buhari, lors d’une cérémonie digne, plutôt sobre et républicaine. Comment est-ce possible que ce président qui fait une sortie sans faute ait à ce point multiplié les erreurs, allant jusqu’à susciter des critiques mettant en cause sa capacité à diriger cette nation ?
Peut-être a-t-il été, à un moment donné, dépassé par l’ampleur de la charge ? Ce qui expliquerait l’espèce de délivrance que semble avoir constitué pour lui sa défaite. Il ne s’agit pas de le disculper. Mais, pour mieux comprendre ce qui s’est joué ces dix dernières années au Nigeria, il faut se tourner vers celui qui a été le plus virulent à l’égard du président Jonathan, à la veille de la présidentielle, comme s’il s’était juré de le faire perdre, alors que Jonathan ne se serait jamais retrouvé dans une telle position de pouvoir, s’il n’y avait eu la grande mesquinerie politique de cet homme : Olusegun Obasanjo, ancien général, ancien condamné à perpétuité, qui a trouvé la foi chrétienne en prison, a recouvré la liberté à la mort de celui qui l’a fait condamner et s’est fait élire président à la faveur du renouveau démocratique, en 1999, dans la même famille politique que Goodluck Jonathan.
Vous parlez, là, du Parti démocratique populaire.
Absolument. Le PDP. Et Obasanjo, Yorouba du sud-ouest, avait un vice-président, Atiku Abubakar, un Nordiste, à qui il aurait demandé de prendre l’initiative d’une croisade pour un troisième mandat, qui lui aurait permis, à lui, Obasanjo, de proroger son bail. Atiku Abubakar ayant refusé, Obasanjo l’a puni en allant chercher, pour être le candidat de leur parti à cette présidentielle à laquelle lui ne devait plus participer, UmaruYar’ Adua, qui est élu en mai 2007. Ce faisant, c’est tout le peuple nigérian que Obasanjo a puni, puisque Yar’ Adua malade, décèdera, en février 2010. Jonathan termine le mandat en cours, se fait élire pour un autre, et aurait dû s’en contenter. Il en voulait un deuxième pour lui, celui de trop, qu’il vient de perdre. Si la présidence Jonathan a été un fiasco pour le Nigeria, c’est à cause de la mesquinerie politique d’un chef d’Etat, qui a fait perdre du temps à son pays, par sa rancune.
Il n’est pas le premier, et ne sera certainement pas le dernier.
Vous ne croyez pas si bien dire. Dans un autre pays d’Afrique de l’Ouest, un chef d’Etat avait cru punir un ancien Premier ministre, devenu président de l’Assemblée nationale, qui avait ignoré l’ordre présidentiel le pressant d’engager une modification constitutionnelle, en vue de faire sauter la limitation, à deux, du nombre de mandats que peut briguer le chef de l’Etat. D’un trait de plume, le président aurait inversé l’ordre d’arrivée des candidats au premier tour de la présidentielle. Et l’effronté ex-Premier ministre a été ainsi éliminé, apprenant, à ses dépens, que l’on n’ignore pas impunément un ordre présidentiel, même illégal, même injuste. Ce pays a connu la guerre, risqué la partition. Mais le temps fait son œuvre : l’imposture ne saurait avoir indéfiniment le dernier mot.
Au Burundi, dernier rebondissement dans la crise politique, avec la fuite à l’étranger et la démission de la vice-présidente de la Céni, intervenant après d’autres défections, mais tout cela ne semble pas émouvoir le pouvoir du président Pierre Nkurunziza, qui maintient