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L’attitude ambiguë des pays voisins et de la communauté internationale face à la tentative de coup d’Etat, au Burundi, est un singulier message adressé aux peuples en lutte pour la consolidation de la démocratie sur ce continent.
Anthony Lattier : La joie des Burundais aura donc été de très courte durée. La liesse populaire déclenchée par l’annonce de la destitution du président Nkurunziza a vite cédé la place au crépitement des armes. Et, à ce jeu-là, au Burundi, le camp Nkurunziza prend toujours le dessus. La tentative de coup d’Etat a échoué. Pierre Nkurunziza est remis en selle, et le troisième mandat est à nouveau à l’ordre du jour. Peut-on affirmer que rarement les Africains se sont sentis autant concernés par un coup d’Etat survenu dans un pays autre que le leur ?
Jean-Baptiste Placca : Absolument ! A l’annonce de la destitution de Pierre Nkurunziza, c’est le continent tout entier qui a tressailli de joie, en communion avec les Burundais. L’aveu de l’échec du putsch a fait tout autant mal. L’Afrique n’a pas suffisamment aidé les Burundais. La Tanzanie aurait dû retenir Pierre Nkurunziza, en le privant subtilement de sa liberté de mouvement. Ils ont beau révérer la démocratie, les Africains ne peuvent s’empêcher d’applaudir et d’afficher leur joie quand survient un coup d’Etat dans une situation comme celle du Burundi, ou une insurrection populaire, comme en octobre 2014 au Burkina. En clair, lorsqu’un chef d’Etat s’obstine à faire violence à la Constitution de son pays pour se maintenir indûment au pouvoir, les peuples africains conçoivent que les citoyens de son pays puissent user de moyens peu constitutionnels pour lui barrer le chemin. En cela, on peut dire que tous rejoignent le président Abdou Diouf du Sénégal, lorsqu’il suggérait, en 1991, qu’étant donné que l’on impose la dictature par les armes, il n’y avait pas de raison à ce que l’on n’imposât pas la démocratie aussi par les armes, de temps à autre.
Sauf que ni les grandes puissances ni la communauté internationale ne l’entendent ainsi. Tous ont condamné, alors même que le putsch n’avait pas encore réussi. L’Union africaine aussi a condamné !...
Cela relève de l’hypocrisie dont sont capables ces Etats et institutions, inaptes à empêcher la violation des Constitutions par les chefs d’Etat. Il faut pourtant bien que tous ces bons amis de l’Afrique – et l’Union africaine – expliquent aux peuples du continent ce qu’ils doivent faire, dans le cas présent, pour empêcher Pierre Nkurunziza de s’imposer indûment à son peuple, cinq années de plus.
Si les Burkinabè avaient attendu le bon vouloir de ces institutions et de la communauté internationale, Blaise Compaoré aurait sans doute parachevé son projet de « réaménagement constitutionnel » et serait encore au pouvoir, peut-être même en train de battre campagne pour briguer le fameux troisième mandat. Les Burkinabè ont pris leurs responsabilités, ignorant superbement ces représentants de la communauté internationale, et tous ces gens qui ânonnent indistinctement les mêmes résolutions et principes, partout, sans même s’apercevoir de leurs propres contradictions. Leur mise en garde incessante n’a pas empêché Pierre Nkurunziza d’être à deux doigts de se faire réélire pour ce fameux troisième mandat qu’ils disent pourtant réprouver. On a parfois l’impression que le destin des peuples, pour ces gens-là, relève d’un jeu, un simple jeu. C’est déplaisant !
Vous voulez dire qu’étant donné que le coup d’Etat, pour la communauté internationale, doit être proscrit, celle-ci devrait proposer une solution concrète à la population du Burundi pour empêcher un troisième mandat…
C’est un minimum. D’autant que les simples