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La démission (et la fuite en exil) du vice-président de la Cour constitutionnelle du Burundi constitue un inestimable apport à la vérité – et au combat – démocratique dans son pays... Jean-Baptiste Placca répond aux questions de Magali Lagrange.
Magali Lagrange : Malgré les manifestations orchestrées par l’opposition et la société civile, en dépit des mises en garde des chancelleries occidentales et même de l’Union africaine, le président Nkurunziza a déposé, hier, vendredi, son dossier de candidature pour un troisième mandat. Faut-il parler de détermination ou d’entêtement ?
Jean-Baptiste Placca : Une seule certitude : Pierre Nkurunziza a suffisamment fait la preuve de son indifférence quant aux dangers qu’il fait courir à son pays. Il est sûr de son fait, prêt à aller jusqu’au bout de sa logique, quoi qu’il advienne. Les morts, qui s’accumulent, désormais, à chaque manifestation, ne semblent pas l’effrayer outre mesure.
Aujourd’hui, lorsqu’un chef d’Etat fait tirer sur des manifestants qui s’opposent à son pouvoir, il s’expose fatalement à des poursuites judiciaires. Pour y échapper, il n’a qu’une seule solution : s’accrocher au pouvoir.
Certains des manifestants que l’on voit dans les rues de Bujumbura crient : « Nkurunziza à la CPI ! ». Il n’ira peut-être pas à la Cour pénale internationale, mais il sait que s’il abandonne le pouvoir, il devra répondre, un jour ou l’autre, de ces morts qui jonchent son entêtement à s’accrocher. C’est peut-être aussi pour cela qu’il s’entête, avec l’énergie du désespoir. Détermination ou entêtement, demandez-vous ? Il est peut-être tout simplement dans un cercle infernal, piégé par son entêtement.
Il n’empêche que la Cour constitutionnelle s’est prononcée en faveur du troisième mandat, validant, de fait, sa candidature. Celle-ci est légitime, nul ne peut le nier…
Il se trouve que cet arrêt de la Cour constitutionnelle était, par avance, discrédité, grâce à la bravoure de ce vice-président de la vénérable institution, qui a révélé comment les juges constitutionnels étaient menacés de mort, au cas où ils viendraient à se prononcer contre la légitimité d’un troisième mandat. Sylvère Nimpagaritse a révélé ce qui se jouait en coulisse et préféré fuir en exil plutôt que de se déshonorer, en apposant sa signature sur ce qu’il considère comme un faux.
Cet homme a fait preuve de ce courage qui manque tant, sur ce continent : partir, plutôt que subir ou être complice. Mais, pour un juge téméraire comme lui, combien d’autres qui valident l’injustice, par couardise ou par intérêt ? Il est ainsi des pays dont la cour constitutionnelle est discréditée, à cause de sa servilité, par rapport au pouvoir. Et tous les régimes qui se prévalent des arrêts d’une cour constitutionnelle soumise ont conscience d’avoir d’évidents problèmes de crédibilité.
Il y a aussi des pays où la Cour constitutionnelle s’illustre par un certain courage et une indépendance réelle.
Heureusement ! Et les exemples sont nombreux. Dans une situation similaire, en mai 2009, la Cour constitutionnelle du Niger s’est opposée à la tenue du référendum par lequel le président Tandja Mamadou entendait modifier le régime électoral pour pouvoir briguer un troisième mandat que lui interdisait la Constitution. Le président Tandja avait alors cru devoir résoudre le problème en prononçant la dissolution de la Cour constitutionnelle et de toutes les autres institutions de la République qui contrariaient ses desseins. Il est, certes, parvenu à se faire réélire pour un troisième mandat, en août 2009. Mais, en février 2010, il a été renversé par un de ces coups d’Etat que les plus fervents démocrates sont bien obligés d