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Faut-il vivre comme une désillusion le fait que, trois mois à peine après la sévère leçon donnée par le peuple du Burkina Faso, les dirigeants du Congo-Brazzaville monopolisent l’actualité du continent dès les tout premiers jour de cette année 2015, avec ce projet d’une nouvelle Constitution pour ne pas « gêner » Denis Sassou Nguesso en 2016 ?
Ce pourrait être triste si cette préoccupation avait été celle du continent dans son ensemble. Ce n’est, fort heureusement, que celle d’un insignifiant tiers de l’Afrique, qui est souvent le même que celui qui refuse d’avancer. Malheureusement pour nous, il y a une forte concentration de ces Etats dans les pays où l’on nous écoute, en français. Sans doute vous souvenez-vous encore de certaines réflexions outrées de diplomates ou de personnalités africaines qui s’offusquaient d’entendre le chef de l’Etat français rappeler certains principes démocratiques au dernier sommet de la Francophonie, à Dakar. A propos de modification de Constitution à des fins d’intérêt personnel.
La Francophonie est tout de même un club. Et lorsque vous êtes membres d’un club où il y a une proportion anormalement élevée de lépreux, vous pouvez toujours faire semblant de ne pas vous en apercevoir, et donc de ne pas vous soigner. Vous n’empêcherez cependant pas les autres de vous considérer comme le club des lépreux.
Après tout, les Botswanais, les Ghanéens, les Capverdiens ne se sont pas réveillés le 1er janvier 2015 dans la hantise qu’un homme qui dirigerait leur pays depuis trente cinq ans et pourrait s’imaginer encore confisquer leur destin aujourd’hui, dans deux ans, et encore dans les sept années à venir. Ce n’est pas possible ! Inimaginable ! Même pas dans le plus effroyable de leur cauchemar ! Il est des pays où certaines pratiques ne sont tout simplement plus possibles, aujourd’hui, sur ce continent.
Il y a tout de même quelques bons élèves dans la classe francophone. Vous parlez du Burkina. Il y a le Sénégal, le Niger se tient bien, ils sont même plus nombreux, les bons, que les cancres…
Le Burkina doit encore parfaire sa copie, mais, effectivement, au lieu du Congo-Brazzaville, nous aurions préféré parlé de l’avocat burkinabè Guy Hervé Kam, porte-parole du Balai citoyen, de sa capacité à organiser les hommes, à mobiliser ses concitoyens et, surtout, de son désintéressement, qui n’est pas feint. Il revenait, cette semaine sur RFI, sur les peurs contre lesquelles il lui a fallu se battre, chez ses concitoyens, lorsqu’il a fallu les convaincre de signer ses premières pétitions : « Si nous signons, on va être écartés des marchés publics ». Les jeunes nous disaient : « si nous signons, peut-être qu’on va nous écarter des concours ».
Et quand le régime est tombé, il n’a rien revendiqué pour lui…
Ainsi, à la question de savoir s’il sera candidat à la présidentielle de 2015, il étouffe un rire surpris. Pourquoi ? « Parce que, répond-il, nous n’avons pas pour ambition d’exercer le pouvoir politique. Nous avons pour ambition de contraindre ceux qui exercent le pouvoir à l’exercer dans le sens de l’intérêt du peuple ».
Des jeunes qui s’engagent pour construire une société juste, sans exiger de passer à la caisse pour empocher leur récompense dans la foulée, c’est une mentalité nouvelle, qui tranche avec la République des margoulins que les présidences à vie, de fait, ont instaurée dans la plupart des pays. En général, l’on est, dans le système, s’il vous adopte, et l’on en profite, ou l’on est en dehors, et l’on tire le diable la queue, quel que soit son talent, quel que soit son mérite. C’est ce que résumait, durant les journées insurrectionnelles du Burkina, ce jeune homme de Bobo Dioulasso, qui disait que quand on n’a pas de rela