Description
Il est des voix que l’on aurait tant aimé entendre, alors que le Mali, sous nos yeux, part en lambeaux. Celle, par exemple, de l’ancien président Alpha Oumar Konaré, premier chef d’Etat de l’ère démocratique dans ce pays. Il ne nous avait pas habitués à un silence aussi singulier, lui, si prompt à désapprouver chaque entorse à la démocratie, partout sur le continent, du temps où il présidait la Commission de l’Union africaine. Président du Mali, il avait, en juillet 1995, refusé de se rendre à Dakar, où Jacques Chirac voulait rencontrer les chefs d’Etat d’Afrique francophone. Pour lui, cette convocation relevait d’un pernicieux rapport de vassalité, instauré par l’ancien colonisateur.
A présent que le peuple du Mali est dans la tourmente, il ne dit rien. Chaque nation a besoin d’avoir des « sages », qui ne postulent plus à rien, ne demandent rien, et sont donc libres de parler haut et clair, surtout lorsque la boussole nationale se dérègle. C’est le rôle qu’a joué, au Sénégal, ces derniers mois, l’ancien directeur général de l’Unesco, Amadou Mahtar M’Bow, avec les désormais historiques assises nationales.
Alpha Oumar Konaré est, de fait, le « sage » le plus célèbre du Mali aujourd’hui. Et ses concitoyens, dans l’épreuve, auraient sans doute apprécié quelques mots de sa part. Le sentiment d’abandon, toute la détresse de ce peuple semblent contenus dans le terrible aveu de cette jeune malienne, qui s’est écriée : « Nous avons de la haine ! ».
En d’autres circonstances, la Cédéao aurait été couverte d’éloges, pour être parvenue à éjecter les putschistes du pouvoir. Mais ces derniers n’avaient aucun moyen de garder ledit pouvoir, et l’on se demande même s’ils en ont seulement contrôlé le moindre levier, depuis le 21 mars. La Cédéao aurait sans doute été plus utile en volant au secours du Mali, au moment où « ATT » appelait à l’aide. Il n’y aurait peut-être jamais eu de coup d’Etat. En tout cas pas de motifs d’en perpétrer.
L’audace politique, aujourd’hui, de la part de la Cédéao, serait d’orienter le potentiel militaire dont elle menaçait les putschistes vers le Nord Mali.
Quant au peuple malien, il sait désormais ce que cela peut coûter d’abandonner, même un court instant, les institutions de son pays aux mains de médiocres aventuriers. Et nul ne peut dire qu’il n’a pas vu venir. A chacun de méditer à présent sur ce proverbe féroce, mais plein de sens, que l’on prête aux Peuhls : « lorsque l’ombre des pygmées grandit, c’est que le soleil est sur le point de se coucher ».