Eureka 53 – Moi, professeur? Une imposture!
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Description
La classe commence dans 10 minutes et les premiers étudiants commencent à arriver dans l’amphithéâtre de l’école de commerce. Je les salue timidement d’un « Hello, Good Morning ». Certains étudiants ont l’air plus âgés que moi. Je n’ai que 29 ans et je vais donner un cours alors qu’à peine quelques années plus tôt, j’étais sur le banc. Que vais-je leur dire ? Comment commencer ? En plus, je dois faire le cours en anglais, ils vont se moquer de moi surtout les irlandais et les américains qui y assisteront… Bon, n’y pensons plus.  J’essaie de me refaire dans ma tête le déroulement de mon cours de “Financial Analysis” comme je l’ai prévu. Je suis censé être l’expert sur le sujet, mais quand le professeur référent m’a donné le powerpoint du cours, j’ai pratiquement dû tout redécouvrir. Les concepts étaient théoriques et finalement, cela faisait un moment que j’étais dans la pratique. J’ai dû beaucoup travailler pour me remettre à niveau. Je suis d’ailleurs tombé sur un MOOC de « Financial Analysis » très bien fait par un grand ponte d’HEC qui a même rédigé un ouvrage de référence sur le sujet. Je ne lui arrive pas à la cheville… Les étudiants vont me démasquer!  Enfin, si jamais ils prêtent attention au cours… J’en vois déjà certains ouvrir leur PC ou leur Mac. Sont-ils déjà en train de travailler sur un autre projet ou de surfer sur Facebook ? Est-ce qu’en voyant ma posture, ils n’ont pas tout de suite compris que j’étais un imposteur? Il est 8h30, ca y est ! C’est à moi de jouer et de lancer le cours!  Ce sentiment que je décris en face d’étudiants d’école de commerce, je le ressens encore fréquemment devant ma classe actuellement, même si les élèves sont plus jeunes.  Effectivement, en tant que professeur des écoles, je ne me sens pas toujours à la hauteur: * On est généralistes, et on se doit enseigner de nombreuses disciplines alors que nous ne sommes pas forcément à l’aise dans toutes les matières.* Il m’arrive d’avoir du mal à capter l’attention des élèves, à les intéresser.* Malgré tous nos efforts, on peut avoir du mal à faire passer un cap à certains enfants. On a l’impression d’avoir tout essayé sans succès.* Le programme est très volumineux et on arrivera jamais à tout faire dans l’année.  * Quand on regarde ce qui se fait sur les réseaux sociaux et qu’on voit ce que d’autres professeurs font, on se dit que l’on est vraiment loin du compte.* On est perdu parmi toutes les nouvelles pratiques pédagogiques qu’il faudrait mettre en oeuvre tout de suite parce que rien d’autre ne marche.* Quand on est dans notre classe et que c’est le bazar, on a toujours l’impression que c’est le calme, la sérénité dans la classe du voisin. Quand j’ai entendu le chercheur Erik Prairat affirmer qu’être professeur, ce n’est pas une prise de pouvoir, c’est une prise de risque, cela a tout de suite résonné en moi. Etre professeur, c’est se dévoiler, c’est partager notre propre perception du monde. Nous donnons le meilleur de nous-même sans savoir ce que les élèves vont vraiment retenir de tout ce que nous essayons de transmettre.  Pour moi, il existe un socle commun important entre tous les métiers de l’enseignement que l’on soit professeur des écoles, prof dans le secondaire, en université ou que l’on fasse de la formation professionnelle. Il me semble déjà que nous partageons tous le même but, à savoir faire grandir nos apprenants en ayant un impact sur le long terme. Certes, les publics sont différents, les approches pédagogiques peuvent variées, mais au fond, pour que nos apprenants apprennent,