Gouvernail 602 est un livre de Marek Baari. Rendez-vous sur marekbaari.com pour retrouver le texte intégral, et pouvoir télécharger l’œuvre en de multiples formats de lecture. Licence Creative Commons CC BY-NC-ND 4.0 Ceci est le chapitre 57 du livre en version audio : “guildsys.org/forum/philosophie hern_hardin 24/11/23 [83 commentaires] Nous sommes dans l’atelier d’une artiste.  Parcourez-le des yeux avec moi.  Caboches faites de matériaux récupérés. Pneu décoré de couleurs criardes. Amoncellements de vieux morceaux de bois, dont certains brûlés par endroits, en un tas de peu de forme mais pouvant ressembler à un pupitre. Peinture sur façade, par projection de taches violettes et vertes. Coquille d’escargot géante dans un coin, constituée de gaines de plastique d’électricien. Bouteilles de verre vides, de plusieurs nuances de vert, regroupées en un orgue miniature de pacotille, monté sur planches de bois vermoulu. Bidon de fer à hydrocarbure éventré, manifestement avec un explosif, créant des déchirures projetées dans la matière. Marelle de cailloux posés sur le sol, de tailles et de formes variables, dans de multiples nuances de gris. Où que se pose le regard, une création est là, dans un assemblage disparate, désorganisé, sans lien évident.  À quoi tout cela sert ? Pourquoi l’artiste a créé chacun de ces éléments ? Pourquoi les a-t-elle disposés ainsi ?  Nous dessinons, peignons, performons, composons de la musique, du théâtre, des chants, des films, des bandes dessinées, des sculptures, tant de formes différentes et innombrables d’arts. Pourquoi ? Je crois que l’art est la continuation de la narration par d’autres moyens. Nous aimons et avons tant besoin de raconter des histoires que les mots et les textes ne nous suffisent pas. C’est ainsi que l’histoire de l’art est profondément liée à l’histoire de l’évolution des cultures humaines, des fictions intersubjectives dominantes de chaque époque. Les deux avancent de concert, se répondent, s’enrichissent.  Tant d’êtres-fictions sont fascinés par des créations artistiques. Elles offrent des messages symboliques, inconscients, émotionnels.  Le plus important, à mes yeux, est leur caractère subjectif. Les artistes évitent fréquemment d’expliciter leurs œuvres, soit parce qu’ils ne le peuvent pas, soit parce qu’ils ne le souhaitent pas, considérant que la signification est à trouver par le récepteur.  L’art est vecteur de messages, sans être généralement vecteur d’une prétendue vérité interprétative unique. L’art rend chacun de nous meilleur, car il nous aide à apprendre que l’histoire que nous nous racontons concernant son interprétation est différente de celle du voisin, sans être meilleure ou plus mauvaise. Juste différente et complémentaire. L’art est un des plus puissants outils d’apprentissage de l’adogmatisme. Il nous donne à voir une culture où l’extrémisme serait aboli. C’est pour cela que tous les régimes totalitaires, de tous les temps, ont cherché à contrôler, détruire, ou enfermer l’art pour le faire entrer dans leur boîte narrative. L’art a toujours été la première réponse aux diktats.  [...]”