« Plonge la pomme dans le chaudron Et laisse le Sommeil de la Mort l’imprégner » Cette réplique de la sorcière de Blanche-Neige, Alan Turing la connait par cœur. Il adore ce chef-d’oeuvre de Disney, il l’a déjà vu au moins 6 fois. Juin 1954: Alan Turing est retrouvé mort à son domicile. A côté de lui, une pomme croquée enduite de cyanure. Alan Turing, le génie des mathématiques, vient de se suicider. Quelques temps auparavant, Alan Turing a été condamné à la castration chimique pour « indécence grave et turpitude morale ». Il est homosexuel et, à l’époque, c’est encore un délit en Grande-Bretagne. Il faut attendre fin décembre 2013 pour voir cette condamnation annulée par la Reine Elisabeth II. La firme Apple n’aurait pas attendu aussi longtemps pour lui rendre hommage. Son logo, la pomme croquée, serait (je dis bien serait) un hommage à ce mathématicien. Mais nous reviendrons sur ce point à la fin de l’épisode… Le Test de Turing Alan Turing est le précurseur de l’informatique et de l’intelligence artificielle. En 1950, il invente un test qu’il appelle l’Imitation Game. Ce jeu comporte trois participants. Un interrogateur, isolé, doit poser des questions à deux interlocuteurs, l’un d’entre eux est un humain, l’autre une machine. Au bout de cinq minutes, l’interrogateur doit être en mesure de déterminer qui est la personne humaine. Si plus de 30% des interrogateurs ne sont pas capables de distinguer l’humain de l’ordinateur, le test est réussi. Alan Turing estimait qu’il faudrait environ 50 ans pour que ce défi soit relevé… Le premier succès d’une machine à ce test serait tout récent. Il aurait été réalisé en juin 2014 par un programme du nom d’Eugène. Cependant, cette réussite est contestée. Eugène fait croire à l’interrogateur qu’il est un enfant de 13 ans dont l’anglais n’est pas la langue maternelle, semant ainsi le doute sur sa capacité à s’exprimer convenablement en langue anglaise. Existerait-il un test plus probant que celui de Turing pour constater les progrès de l’intelligence artificielle? La victoire du superordinateur d’IBM, Deep Blue, sur le champion du monde d’échecs Garry Kasparov en 1997 (voir épisode 79 dédié)  est certainement plus symbolique. Au delà de la victoire de la machine sur l’Homme, on peut voir que la machine ne « pense » pas du tout comme nous. Deep Blue a la capacité de calculer des millions de coups très rapidement. Par contre, Deep Blue a beaucoup plus de mal a mettre en place une véritable stratégie. Turing et Enigma Cette capacité à calculer des millions de combinaison très rapidement est l’une des clés du problème soulevé par Enigma. Enigma est la machine qui sert à crypter les messages allemands pendant la seconde guerre mondiale. C’est une sorte de grosse machine à écrire. On tape le message en clair sur le clavier et il ressort crypté. Pour pouvoir le lire, il faut avoir la même machine et aussi la même combinaison. Cette combinaison change quasiment tous les jours et il y a plus de 150 milliards de milliards de possibilités. Autant dire, mission impossible pour un être humain. C’est là que nous retrouvons Alan Turing. Grâce au travail précurseur de mathématiciens polonais, Turing et son équipe vont mettre au point une machine, appelée la « bombe », qui va parvenir à déchiffrer les messages d’Enigma! Les renseignements fournis par Enigma vont par exemple permettre de lancer une grande rumeur faisant croire à l’imminence d’un débarquement dans le Nord de la France.