Septième séance : Anthropocène, capitalocène ou occidentalocène : Quelle économie sous l’ère du nouveau régime climatique ?  De nombreux sujets économiques sont souvent débattus dans l’anthropocène, telles que la question de la décroissance, d’une révolution économique, ou savoir qui doit porter les coûts de la transition économique. Il faut s’intéresser à l’économie parce que notre régime de production et de consommation est au centre de tous les bouleversements écologiques, et on peut envisager les éléments de réponses du côté de la théorie et des pratiques économiques.      1/ La théorie économique ignore la nature et le long terme.  Pour Antonin Pottier (EHESS), l’Économiste fait écran, obstacle à la prise en main des problèmes climatiques, en développant des théories qui ne prennent en compte ni la nature, ni les recommandations de la communauté scientifique. Avec l’exemple du modèle DICE de l’économiste William Nordhaus, la détermination des éléments d’un calcul économique qui se prétend objectif est soumise à des positions morales qui influencent le résultat. Mais appliquer des règles économiques valables pour l’ordre privé ne fonctionne pas pour une décision collective à l’échelle de l’anthropocène car la vie terrestre n’est pas homogène. Le modèle DICE est dangereux dans la mesure où il donne l’impression d’apporter des solutions en réalité biaisées. Pour instaurer une économie durable à long terme, il faudrait renoncer à porter sur la nature un regard qui la considère comme une ressource (in)disponible et inerte.     2/ Il n’y a pas de limites inhérentes à l’activité économique.   Du côté de la pratique économique, on a pour habitude de faire confiance au marché pour réguler nos activités. Le capitalisme correspond à la recherche de croissance infinie, mais il y a des limites à l’activité économique en amont et en aval, qui ne sont pas de même nature. En amont les ressources sont absolument limitées : une fois qu’il n’y a plus de pétrole, il n’y en a plus. Cette limite matérielle ne pose pas problème à l’économie qui sait prendre en compte la rareté. En aval, en revanche, les limites sont faciles à franchir, sans qu’on s’en rende compte. Il n’existe aucun frein inhérent à l’activité économique. Il faut donc attendre la solution du politique et des citoyens-consommateurs.       3/ L’amour-propre des hommes, entre cause des déséquilibres et espoir de solution.  Le problème est le désir infini des hommes. Mandeville l’associe à l’amour-propre qui nous fait nous soucier du regard des autres. La consommation se développe à l’infini, car l’appropriation de nouveaux biens accroît notre visibilité sociale et donc notre importance. Pour Rousseau, le remède est dans le mal : il est trop tard pour renoncer à l’amour-propre, mais on peut le détourner à notre avantage, et l’utiliser pour inciter les hommes à avoir des pratiques plus écologiques. Dans cette démarche, chacun serait partie prenante des changements et des décisions collectives, et conduirait à l’adoption de règlementations précises et ambitieuses. C’est évidemment une tâche considérable et très progressive.      Bibliographie     Antonin Pottier, Comment les économistes réchauffent la planète, 2016  William Nordhaus, Le modèle dynamique intégré climat-économie (DICE), 2018  Bruno Latour, Face à Gaïa, 2015 Mandeville, La fable des abeilles, 1714  Le blog d’Alain Grandjean : https://alaingrandjean.fr