#8 Quelles Lumières pour demain ?
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Huitième séance : Quelles Lumières pour demain?  Nos cadres mentaux ne nous permettent pas de comprendre l’ampleur des changements climatiques, ni le pouvoir que nous avons dessus. Pour résorber ce décalage que Günther Anders appelle Prométhéen, nous avons reconsidéré au cours des séances précédentes notre rapport à la nature, et essayé de comprendre quelle économie et quelle politique seraient plus adaptées. Cependant, il existe deux obstacles qui empêchent de composer un monde commun : notre rapport à la propriété et l’usage instrumental que nous faisons de la raison.      1/ La propriété exclut la possibilité de faire un monde commun.  Les Droits de l’Homme définissent les humains comme propriétaires de leurs droits fondamentaux. La propriété étant exclusive, comment faire une société quand on se définit par la séparation d’avec ceux avec qui nous devons composer cette société ? Comment, dans ce cadre comprendre ce qu’est un monde commun ?   La propriété nous aliène, car en travaillant pour un résultat, et non pas pour l’activité en elle-même, nous perdons de vue ce que le travail a d’épanouissant (Marx). L’homme se définit par ce qu’il possède que les autres n’ont pas, et non parce qu’il est. Cette représentation de soi, qui empêche la constitution de communs, est de plus en plus remise en question par le régime climatique. Il semblerait intéressant de se définir comme usager plutôt que comme propriétaire.      2/ La raison des Lumières, instrumentalisée comme outil de domination.   La raison au XVIIIe siècle est pensée comme un outil d’émancipation : seule l’autorité de la raison doit compter. La chose rationnelle étant la chose communicable par excellence, elle permet de rassembler autour d’idées communes. Mais de la raison (répondre au « pourquoi ? ») nous sommes passés à la rationalisation (répondre au « comment ? ») : nous cherchons à tout calculer pour atteindre un objectif donné. Ainsi l’homme moderne rationnel se sert de la raison pour dominer (les animaux, la nature…) au lieu de s’interroger sur le sens des choses. Pourtant ce qu’on appelle la nature est infiniment plus complexe que ce qu’une raison calculatrice peut appréhender (hypothèse Gaïa), et tout simplifier est impossible sans risquer de nier l’universel et le commun. Par conséquent, il nous faut accepter de ne pas tout comprendre, sans pour autant renoncer à la raison. Cela impose d’agir avec prudence.     3/ La modestie : une solution, des solutions.  Du côté de la raison comme de la propriété, nous avons constitué un rapport de domination avec les choses. En acceptant d’être l’égal de chacun, de chaque être vivant, de douter de ces certitudes sans douter de sa puissance, on ouvre la voie au commun et aux solutions. C’est un appel à la modestie, pour réaliser qu’il n’y a pas une solution unique à trouver, mais des petites actions accessibles à l’échelle de chacun, qui créent le commun. À la différence de l’humilité, qui consiste à s’abaisser devant ce que l’on croit à tort supérieur à soi, la modestie nous situe à notre juste place et n’est pas un renoncement à comprendre ni à agir.         Bibliographie  Günther Anders, L’obsolescence de l’homme, 1956  Bruno Latour, Face à Gaïa, 2015  John Locke, Traité du gouvernement civil, 1689  Karl Marx, Manuscrits de 1844, 1932  Corine Pelluchon, Les Lumières à l’âge du vivant, 2021  
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