Episodes
Que la pluie à déluge au long des toits ruisselle ! Que l’orme du chemin penche, craque et chancelle Au gré du tourbillon dont il reçoit le choc ! Que du haut des glaciers l’avalanche s’écroule ! Que le torrent aboie au fond du gouffre, et roule Avec ses flots fangeux de lourds quartiers de roc ! Qu’il gèle ! et qu’à grand bruit, sans relâche, la grêle De grains rebondissants fouette la vitre frêle ! Que la bise d’hiver se fatigue à gémir ! Qu’importé ? n’ai-je pas un feu clair dans mon âtre,...
Published 04/16/19
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,Je dirai quelque jour vos naissances latentes :A, noir corset velu des mouches éclatantesQui bombinent autour des puanteurs cruelles,Golfes d’ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d’ombelles ;I, pourpres, sang craché, rire des lèvres bellesDans la colère ou les ivresses pénitentes ;U, cycles, vibrements divins des mers virides,Paix des pâtis semés d’animaux, paix des ridesQue...
Published 04/15/19
L'école était charmante au temps des hannetons, Quand, par la vitre ouverte aux brises printanières, Pénétraient, nous parlant d'écoles buissonnières Et mettant la folie en nos jeunes cerveaux, Des cris d'oiseaux dans les senteurs des foins nouveaux ; Alors, pour laid qu'il fût, certes ! il savait nous plaire Notre cher mobilier si pauvrement scolaire. À grands coups de canif, travaillant au travers Du vieux bois poussiéreux et tout rongé des vers, Nous creusions en tous sens des cavernes...
Published 04/12/19
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime, Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend. Car elle me comprend, et mon coeur transparent Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême, Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant. Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore. Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore,...
Published 04/11/19
Oisillon bleu couleur-du-temps, Tes chants, tes chants Dorlotent doucement les coeurs Meurtris par les destins moqueurs. Oisillon bleu couleur-du-temps, Tes chants, tes chants Donnent de nouvelles vigueurs Aux corps minés par les langueurs. Oisillon bleu couleur-du-temps, Tes chants, tes chants Font revivre les espoirs morts Et terrassent les vieux remords. Oisillon bleu couleur-du-temps, Je t'ai cherché longtemps, longtemps, Par mont, par val et par ravin En vain, en vain !
Published 04/10/19
Une petite personne et une grande personne se parlent. - Quand on est petit, on dit : « Quand je serai grand… » - C'est vrai. - Alors quand on est grand, on peut dire : « Quand je serai petit… » - Non. - Pourquoi ? - Il paraît que ça ne marche pas. - Pourquoi ? - On peut grandir, mais on ne peut pas rapetisser. - Mais on ne peut pas toujours grandir. - Non. - Alors, quand on est grand ? - On change de forme, tout doucement. - On change de forme ? - Oui, ça s'appelle vieillir.
Published 04/09/19
Crapaud, s'il te plait, va au marché ! J'ai mal au pied. Crapaud, s'il te plait, écosse les pois ! J'ai mal au bras. Crapaud, s'il te plait, lave les assiettes ! J'ai mal à la tête. Crapaud, s'il te plait, allume le feu ! J'ai mal aux yeux. Crapaud, s'il te plait, allume le fourneau ! J'ai mal au dos. Crapaud, s'il te plait, coupe le pain ! J'ai mal à la main. Crapaud, s'il te plait, dresse la table pour le dîner ! J'ai mal au nez. Viens manger, crapaud, la soupe est servie ! J'essaierai pour...
Published 04/08/19
Comment ça va sur la terre ?– Ça va, ça va, ça va bien. Les petits chiens sont-ils prospères ? – Mon dieu oui merci bien. Et les nuages ? – Ça flotte. Et les volcans ? – Ça mijote. Et les fleuves ? – Ça s'écoule. Et le temps ? – Ça se déroule. Et votre âme ? – Elle est malade le printemps était trop vert elle a mangé trop de salade.
Published 04/05/19
Une fourmi de dix-huit mètres Avec un chapeau sur la tête Ça n'existe pas ça n'existe pas Une fourmi traînant un char Plein de pingouins et de canards Ça n'existe pas ça n'existe pas Une fourmi  parlant français Parlant latin et javanais Ça n'existe pas ça n'existe pas Et pourquoi pas ?
Published 04/04/19
Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux formes ont tout à l’heure passé. Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles, Et l’on entend à peine leurs paroles. Dans le vieux parc solitaire et glacé Deux spectres ont évoqué le passé. — Te souvient-il de notre extase ancienne ? — Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ? — Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ? Toujours vois-tu mon âme en rêve ? — Non. — Ah ! les beaux jours de bonheur indicible Où nous joignions nos bouches ! —...
Published 04/03/19
- Dites donc, un poète, à quoi ça sert ? - Ca remplace les chiens par des licornes. - Dites donc, ça n'a pas d'autres talents ? - Il apporte le rêve à ceux qui n'ose pas rêver. - Vous trouvez ça utile, dites donc ? - Quand il veut, il persuade les comètes de s'arrêter chez vous. - Il trouble l'ordre, dites donc, ce type-là. - Pas plus qu'un vol de scarabées, pas plus qu'un peu de neige sur l'épaule. - Il est bon pour l'hospice, dites donc. - Il le transformerait en palais de cristal avec...
Published 04/02/19
Chers abonnés, pour profiter pleinement du podcast d’aujourd’hui, vous devez tenir votre écran à l’envers. (Retourné.) En effet, cette poésie est diffusée en podcast immersif MP5/DTX™️ (pas encore sorti pour le grand public, c’est en phase de test final depuis une semaine). Notez bien que cela nécessite également deux haut-parleurs stéréophoniques HiFi (ou tout simplement compatibles Surround/ΙχΘυσlogic·II+) ainsi que la toute dernière version de votre système d’exploitation (iOS, Android,...
Published 04/01/19
C’est un trou de verdure où chante une rivière, Accrochant follement aux herbes des haillons D’argent ; où le soleil, de la montagne fière, Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons. Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue, Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue, Pâle dans son lit vert où la lumière pleut. Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le...
Published 03/29/19
Anne, par jeu, me jeta de la neige, Que je cuidais froide certainement ; Mais c'était feu; l'expérience en ai-je, Car embrasé je fus soudainement. Puisque le feu loge secrètement Dedans la neige, où trouverai-je place Pour n'ardre point ? Anne, ta seule grâce Éteindre peut le feu que je sens bien, Non point par eau, par neige, ni par la glace, Mais par sentir un feu pareil au mien.
Published 03/28/19
Plus ne suis ce que j'ai été, Et ne le saurais jamais être. Mon beau printemps et mon été Ont fait le saut par la fenêtre. Amour, tu as été mon maître, Je t'ai servi sur tous les Dieux. Ah si je pouvais deux fois naître, Comme je te servirais mieux !
Published 03/27/19
Mon père, cet anchois au sourire andalou, Suivi d'un nénuphar qu'il aimait entre tous Pour son faux-col vert-neige fait en pierre de taille, Parcourait en nageant la foire à la ferraille, Où se tenaient, pensifs, des melons accroupis... Soudain, son gros orteil crut percevoir des cris... C'était un hérisson voltigeant sur la route, Qui brûlait son chandail pour mieux casser la croûte, En criant : « Un chou-fleur pour cirer mes souliers!!!... Ou bien un bec de gaz pour me laver les pieds!!!......
Published 03/26/19
Où allez-vous, Anne ? que je le sache, Et m’enseignez avant que de partir Comme ferai, afin que mon œil cache Le dur regret du coeur triste et martyr. Je sais comment ; point ne faut m’avertir Vous le prendrez, ce cœur, je le vous livre ; L’emporterez pour le rendre délivre, Du deuil qu’aurait loin de vous en ce lieu ; Et pour autant qu’on ne peut sans coeur vivre Me laisserez le vôtre, et puis adieu.
Published 03/22/19
J’aime le son du Cor, le soir, au fond des bois, Soit qu’il chante les pleurs de la biche aux abois, Ou l’adieu du chasseur que l’écho faible accueille, Et que le vent du nord porte de feuille en feuille. Que de fois, seul, dans l’ombre à minuit demeuré, J’ai souri de l’entendre, et plus souvent pleuré ! Car je croyais ouïr de ces bruits prophétiques Qui précédaient la mort des Paladins antiques. Ô montagne d’azur ! ô pays adoré ! Rocs de la Frazona, cirque du Marboré, Cascades qui tombez des...
Published 03/21/19
La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux : Son petit faon délicieux A disparu dans la nuit brune. Pour raconter son infortune À la forêt de ses aïeux, La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux. Mais aucune réponse, aucune, À ses longs appels anxieux ! Et le cou tendu vers les cieux, Folle d’amour et de rancune, La biche brame au clair de lune.
Published 03/20/19
Mignonne, allons voir si la rose Qui ce matin avoit desclose Sa robe de pourpre au Soleil, A point perdu ceste vesprée Les plis de sa robe pourprée, Et son teint au vostre pareil. Las ! voyez comme en peu d'espace, Mignonne, elle a dessus la place Las ! las ses beautez laissé cheoir ! Ô vrayment marastre Nature, Puis qu'une telle fleur ne dure Que du matin jusques au soir ! Donc, si vous me croyez, mignonne, Tandis que vostre âge fleuronne En sa plus verte nouveauté, Cueillez, cueillez vostre...
Published 03/19/19
Mon père, ce héros au sourire si doux, Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille, Parcourait à cheval, le soir d’une bataille, Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit. Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit. C’était un Espagnol de l’armée en déroute Qui se traînait sanglant sur le bord de la route, Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié. Et qui disait: « A boire! à boire par pitié ! » Mon père, ému, tendit à...
Published 03/18/19
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage, Ou comme celui-là qui conquit la toison, Et puis est retourné, plein d'usage et raison, Vivre entre ses parents le reste de son âge ! Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village Fumer la cheminée, et en quelle saison Reverrai-je le clos de ma pauvre maison, Qui m'est une province, et beaucoup davantage ? Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux, Que des palais Romains le front audacieux, Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :...
Published 03/15/19
Les lignes de nos mains ni Jaunes ni Noires ni Blanches Ne sont point des frontières des fossés entre nos villages des filins pour lier les faisceaux de rancoeurs. Les lignes de nos mains sont des lignes de vie, de Destin de Coeur d’Amour, de douces chaînes qui nous lient les uns aux autres les vivants aux morts. Les lignes de nos mains ni blanches ni noires ni jaunes, Les lignes de nos mains Unissent les bouquets de nos rêves.
Published 03/14/19
Ce sont les mères des hiboux Qui désiraient chercher les poux De leurs enfants, leurs petits choux, En les tenant sur les genoux. Leurs yeux d’or valent des bijoux, Leur bec est dur comme cailloux, Ils sont doux comme des joujoux, Mais aux hiboux point de genoux ! Votre histoire se passait où ? Chez les Zoulous ? les Andalous ? Ou dans la cabane Bambou ? À Moscou ou à Tombouctou ? En Anjou ou dans le Poitou ? Au Pérou ou chez les Mandchous ? Hou ! Hou ! Pas du tout c’était chez les fous.
Published 03/13/19
Le Capitaine Jonathan, Etant âgé de dix-huit ans Capture un jour un pélican Dans une île d'Extrême-orient, Le pélican de Jonathan Au matin, pond un oeuf tout blanc Et il en sort un pélican Lui ressemblant étonnamment. Et ce deuxième pélican Pond, à son tour, un oeuf tout blanc D'où sort, inévitablement Un autre, qui en fait autant. Cela peut durer pendant très longtemps Si l'on ne fait pas d'omelette avant.
Published 03/12/19